Vendredi 28 décembre 5 28 /12 /Déc 13:14

Pas de jolies phrases, pas de style réfléchi pour un des sujets qu'il m'est le plus difficile d'exprimer.

Parce que même si j'aime le sexe quand je suis avec mon homme (quand j'en ai un...); ça reste the sujet hyper délicat, porteur de toutes mes angoisses, mes terreurs nocturnes.

Adolescente, j'entendais mes copines parler de première fois, de virginité, du sang ou de la douleur de la déchirure; je me demandais de quoi elles parlaient.
A 17 ans, j'ai tardivement, mais violemment compris pourquoi leur discours m'était inaccessible.

Je savais, je me souvenais de ce jour là, l'année de mes 6 ans. Je me rappelais bien cet homme grand, bien habillé, les cheveux poivre et sel qui m'a emmenée dans une cave parce qu'il "travaillait avec mon père et avait des papiers à me donner"

Je me souvenais bien de la suite, douloureuse, terrifiante.

Mais jamais depuis ce jour là, on ne m'en a reparlé. A cette époque, la police était bien moins au fait qu'aujourd'hui en matière de pédophilie.

Dire à des parents "ne lui en parlez pas, elle oubliera" semble de nos jours totalement surréaliste.
Mais en 80, c'était  la façon de traiter ces cas; et des parents dépassés par les évènements croient la police...

Alors, jamais on ne m'a dit que ce que cet homme avait fait était mal. Jamais on ne m'a dit que j'étais la victime d'un malade, d'un détraqué.

J'ai grandi; navigant entre cauchemars terrifiants et fascination pour le sexe. Désir et rejet; aussi violents l'un que l'autre.

Adolescente, tout s'est compliqué, je ne maitrisais plus mon corps. Dès qu'un garçon s'approchait de moi, je devenais raide comme une barre de béton et ne maitrisais plus mes gestes de refus. Je pouvais devenir tellement violente...
Un garçon me disait bonjour? Il prenait mon poing dans la figure...
Et je ne comprenais pas ce qu'il se passait.

Et un soir, un soir comme un autre, je vois un reportage sur une jeune fille ayant vécu la même chose. Mon univers s'est écroulé, comme ça; le temps d'un reportage qui racontait mon histoire...
J'ai mis des mots sur mes angoisses, une cause à mes peurs, un sens à mes ressentis.

Violente, la douleur s'est abattue sur moi. Elle me submergeait, me dévorait. Ma vie est devenue sombre, triste, haineuse.

Je criais ma douleur sans dire d'où elle venait. Personne ne comprenait ce qu'il m'arrivait. 
Je pensais qu'on me rejettait; personne pour me tendre la main, pour m'aider.
Je raconte mon histoire à mon amie (la seule); elle raconte partout que j'invente ça pour me faire mousser. Mes parents me regardent, perdus, ne savent pas d'où vient cette douleur morale si violente.

Je me rappelle d'un jour où ma mère faisait à manger et que je lui ai dit "mais aide moi...aide moi..." et m'écrouler sur le sol de la cuisine; secouée de sanglots.

Et j'ai commencé mes études supérieures. Ni convaincante, ni convaincue; mais la vie avance et je devais faire quelque chose de ma peau. 
Ca faisait alors un an que je me débattais dans la noirceur, la tristesse, la haine de moi, de mon corps, de mon âme.
Je devenais de jour en jour plus isolée, plus noire, plus violente.

Je haïssais le monde, les gens heureux, les filles "normales", les sourires.

J'étais la reine des faux semblants; je savais être la super copine et ne rien montrer aux autres de ce qui me rongeait.

Mais une personne a vu. Elle s'appelle Virginie, elle a vu, elle m'a aidé. Ensemble, après un cours, nous sommes allées voir un intervenant qui était pédopsychiatre. 
Lui dire, lui raconter, lui demander de m'aider. Quelle difficulté!! 
Son regard tendre, son sourire désolé restent gravé dans ma mémoire. Il m'a orienté vers un psy.

Je ne voulais pas y aller; ça y est, j'avais parlé, c'était bon. Je ne voulais pas dire à quelqu'un combien j'étais sale, monstrueuse. En plus, ça se voyait!!
Dans ma tête, c'était évident. On ne voyait que ça et si les gens faisaient semblant de ne rien voir, c'est qu'ils étaient bien hypocrites!!

Je refusais toujours  d'aller voir le psy; mais mon état empirait de jour en jour. Je rentrais chez moi, dans mon petit studio et me frappais la tête contre les murs. Ne plus penser, chasser les images, que ça sorte, que ça sorte!!

Virginie a fini par ne plus me donner le choix. Elle a pris rendez vous et m'a trainé chez le psy. Lorsqu'il a ouvert la porte, elle m'a poussé à l'interieur de son cabinet.

J'ai dû raconter, courageusement, que j'étais une saleté, un microbe puant, une traine misère...Je me suis arraché le coeur, le reste de fièrté, les tripes pour lui parler. Un peu.

La première chose qu'il m'ai dite; c'est "vous n'oublierez jamais, vous apprendrez à vivre avec".

Pas la réponse que je voulais, moi. Je veux une lobotomie! Je suis venue jusqu'ici, je suis à nu, je n'ai plus rien, je ne suis plus rien, tuez moi, ça ira plus vite!

Non, on doit parler, chez un psy. De tout, de rien, de ce qu'on ressent, de ce qu'on aimerait ressentir...
Gonflant, très gonflant. Très long, très dur.

Et un jour, je me rends compte que je n'ai plus envie de mourir, que j'ai envie d'être un peu plus jolie dans mon miroir, que je veux être normale.

Il a réussi, je ne veux plus mourir, je ne me vois plus comme une paria, je commence à comprendre que je ne suis qu'une victime. Que je n'ai aucune responsabilité dans ce qu'il m'est arrivé.

Je crois alors que tout est fini, j'ai un copain, j'ai minci,je vois le soleil, je vois qu'il existe encore des oiseaux, je me crois sauvée.

Il m'a sauvé la vie, mais le travail qu'il restait à faire est immense et je l'ignorais alors. 
On ne va pas mieux comme ça, en 9 mois. On ne règle pas tout aussi vite.

Et libèrer tout ça fait aussi remonter d'autres souvenirs; aussi immondes...à gèrer, encore.

Par ether-et... - Publié dans : Viols et conséquences
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